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Les Saints nous attendent au Ciel
Une grande confusion s’est depuis
longtemps installée dans les esprits de beaucoup de fidèles, à savoir que la
Toussaint soit la triste journée des Morts. Nous parlerons des Morts demain, 2
novembre, et nous verrons même que ce jour ne doit pas être triste.
Aujourd’hui, 1 novembre, nous fêtons dans une grande joie tous les Saints et
toutes les Saintes du Paradis. Cette fête existe dans l’Eglise depuis des
siècles.
Dès le IVe siècle les Eglises d’Orient célébraient en une fête
commune tous les martyrs de la terre. Saint Ephrem composa pour cette
circonstance une hymne où l’on voit qu’à Edesse cette fête était fixée au 13
mai. En Syrie, elle était placée au vendredi après Pâques. Dans une homélie sur
les Martyrs, saint Jean Chrysostome précise qu’il parle le premier dimanche
après la Pentecôte ; cet usage a été conservé jusqu’à nos jours par l’Eglise
byzantine, qui a par une évolution normale transformé la fête des “Martyrs de
toute la terre” en celle de “Tous les Saints”.
Le choix de ces différentes dates est significatif : on a voulu associer les
Saints au triomphe du Christ ou à l’effusion de l’Esprit ; suivant la poétique
formule de l’empereur Léon le Sage, l’Eglise célèbre les fleurs produites par la
terre arrosées des fleuves du Saint-Esprit.
Comme souvent, l’Orient a montré la voie à l’Occident. C’est probablement le 13
mai 609 que le pape Boniface IV transforma le Panthéon de Rome en “une église de
la Bienheureuse Marie toujours Vierge et de tous les Martyrs”. C’était la
première fois qu’un temple païen devenait église chrétienne. Sans doute la
Providence y avait préparé le terrain, en faisant que justement l’architecture
de ce temple fût tout-à-fait exceptionnelle : la voûte surbaissée éclairée
seulement par son centre où pénètrent la lumière et le ciel.
Successivement, à la fête “de tous les Martyrs”, se substitua peu à peu la fête
de “tous les Saints”, avec les Confesseurs et les Vierges. La première mention
d’une véritable “Toussaint” apparaît à Salzburg à la fin du VIIIe
siècle, sans doute par l’influence du théologien Alcuin, lui-même abbé à Tours.
Certains demanderont : Pourquoi une fête de “Tous” les Saints, puisqu’on les
fête déjà tout au long de l’année ? C’est une bonne question, qui masque
toutefois une mauvaise information assez généralisée aujourd’hui. C’est
l’occasion de parler d’un Livre de l’Eglise, qui s’appelle le “Martyrologe”.
Selon une habitude remontant aux premiers temps de l’Eglise, on a consigné par
écrit - dans un premier temps, la liste de tous les Martyrs, au jour de leur
mort (c’est-à-dire au jour de leur naissance au Ciel, leur jour “anniversaire”)
; plus tard, on y adjoint peu à peu tous les Saints canonisés officiellement, et
dernièrement aussi tous les Bienheureux. Certains jours, il y a deux pages
entières de liste de Saints et Bienheureux, c’est dire combien il est impossible
de les fêter chaque jour tous à la fois. On ne pourra que vivement conseiller à
tous les fidèles la lecture assidue de ce beau Livre.
Dans son calendrier officiel, l’Eglise fête certains Saints particulièrement
caractéristiques : les Apôtres, les Fondateurs d’Eglises locales, le ou les
premiers Martyrs de ces Eglises, les Pères de l’Eglise, les Docteurs. Bien
évidemment, l’Eglise ne dispose “que” de trois-cent soixante-cinq jours, alors
que les Saints sont des milliers et des milliers.
Autre question maintenant : Quel intérêt représentent pour nous ces célébrations
en l’honneur des Saints ? N’avons-nous pas suffisamment de l’enseignement de
Christ dans l’Evangile ?
Posée ainsi, cette judicieuse question porte en elle-même sa réponse
parfaitement théologique : notre vie doit suivre en tout celle de Jésus-Christ,
vrai Dieu et vrai Homme. Il n’y a que Jésus que nous pouvons et devons imiter en
tout, sans risque de nous tromper. Et il n’y a que Jésus envers qui nous devons
avoir des attitudes d’adoration, de sorte qu’en langage musical on pourrait dire
que Jésus a écrit la partition de l’Evangile, tandis que les Saints l’ont
interprétée.
Les Saints, eux, ne sont pas de “petits dieux” subalternes, qui devraient
accaparer notre dévotion et satisfaire tous nos caprices : obtenir ceci, faire
que cela se fasse ainsi et pas autrement, jusqu’à certaines attitudes de
véritables superstitions. Dans beaucoup d’églises, de braves personnes se
précipitent sur les cierges ou les luminaires à allumer devant une statue de
Madone ou de saint Antoine, sans même adresser un petit salut à Celui qui est
présent réellement dans le Tabernacle eucharistique. Ne disons pas que ces
personnes soient de mauvaise foi, simplement leur dévotion est mal éclairée, et
les prêtres doivent s’employer à le leur expliquer patiemment.
En revanche, théologiquement, l’Eglise nous rappelle chaque jour que les Saints
ont été des êtres humains comme nous, avec leurs faiblesses, leurs erreurs,
leurs défauts, qu’ils ont combattus de toutes leurs forces durant leur vie
terrestre, par amour de Dieu et pour se rapprocher toujours plus de la
perfection à laquelle Dieu nous convie. En regardant ces saintes Figures, en
admirant les grands moments de leurs vies, leurs combats, nous ne pourrons
qu’être encouragés à les suivre, bien persuadés que ce qu’ils ont fait pourrait
aussi être humainement à notre portée, la grâce de Dieu aidant.
Dieu ne nous demande pas d’être parfaits ici-bas, tout-de-suite, et sans jamais
céder à quelque tentation. Dieu connaît notre faiblesse et ne nous la reprochera
jamais. Ce qu’Il attend de nous, est un effort, une recherche du mieux, et cela,
chacun peut le faire.
C’est dans ce sens-là que nous pouvons recourir à nos grands Amis, les Saints :
“Toi, saint X qui as réussi à faire ceci, cela, aide-moi, donne-moi quelque
chose de ton amour pour Dieu, quelque chose de ta force d’âme”. C’est un peu
comme si, pour mieux préparer un examen, j’appelle un de mes camarades en lui
disant : Toi, tu es bien préparé, tu ne pourrais pas venir relire avec moi telle
matière ? Personnellement, je ferai le même travail pour mon examen, mais de le
faire en compagnie d’un camarade mieux préparé que moi et que j’aime bien, cela
me donnera plus d’ardeur pour me préparer. N’oublions pas non plus cet élément
doctrinal souvent oublié de la puissante intercession des Saints auprès de Dieu.
C’est aussi dans cette perspective que depuis les débuts, les Chrétiens ont pris
l’habitude de donner à leurs petits enfants non plus des noms de divinités, de
héros ou de “vedettes”, mais des noms de Martyrs : très souvent furent donnés
les noms de Pierre, Paul, Laurent, et même celui-là-même de “Martyr”. Ce prénom
qu’on reçoit au sacrement du Baptême n’est jamais un hasard, et tous nous
pourrons trouver dans tel ou tel trait de la vie de notre saint Patron, quelque
chose qui se rapportera à notre vie. On aimera comprendre pourquoi on invoque
saint Antoine de Padoue pour retrouver un objet perdu, saint François Régis pour
les femmes stériles, sainte Claire pour la télévision, Notre Dame de Lorette
pour les aviateurs, etc.
Les Saints nous attendent au Ciel : saint Jean-Baptiste, saint Joseph, saint
Pierre, saint Paul, saint Benoît, saint Vincent de Paul, saint François, saint
Jean-Marie Vianney… Ce devrait être pour nous un stimulant très fort de penser
que dans “peu” de temps nous serons en leur compagnie, au Ciel, devant Dieu,
avec Marie, la glorieuse Mère de Jésus et Ses myriades d’Anges et de Saints.
Oh ! dans le Ciel, il n’y aura plus de maladies, plus de souffrances, plus de
jalousies, plus de rivalités ; plus d’impôts, plus de procès ; plus de voitures,
plus de moteurs, plus de catastrophes…
Vraiment, il y a de quoi se réjouir, en ce jour de Toussaint. Réjouissez-vous
tous, frères et sœurs, et mettez-vous promptement à l’école de Jésus-Christ, à
la suite de tous les Saints ; apprenez à connaître qui est votre saint Patron ou
votre sainte Patronne, fêtez-les au jour de leur “naissance au ciel” : le
Martyrologe vous l’enseignera.
Abbé Charles Marie de Roussy
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