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“Il procède du Père et du
Fils”
Les élèves des lycées français ont tous lu le passage où un de nos
"grands philosophes" se moque de la Religion chrétienne, ironisant sur
le fait que "trois égalent un".
Nous savons bien que la réalité divine ne saurait se réduire à une
équation mathématique, mais il est tout aussi vrai que personne ne peut
expliquer ce Mystère de notre Foi, qui professe "un Dieu unique en trois
Personnes", Dieu Père, Dieu Fils, Dieu Saint-Esprit.
A vouloir expliquer rationnellement la Personne divino-humaine du
Christ, sa façon de penser ou d'agir, beaucoup sont tombés dans des
erreurs parfois fort graves, allant jusqu'à nier simplement la divinité
de Jésus-Christ. Encore de nos jours, des courants pourtant chrétiens
n'acceptent pas que Jésus était à la fois Dieu et Homme.
Il y aura bientôt sur notre Site une explication un peu plus détaillée
et aussi claire que possible sur les mille et une déviations de la
pensée théologique concernant l'Humanité et la Divinité de Jésus-Christ,
les Conciles important qui les ont examinées et qui ont contribué ainsi
à définir notre foi christologique.
Que Jésus fût Dieu, Il nous l'a dit sans ambages, lorsque, répondant aux
Juifs, Il leur demande "au moins de croire aux oeuvres qu'Il
accomplissait" au nom de Dieu (Jn 10:38). Les miracles sont là pour le
prouver : seul Dieu peut rendre la vie, et surtout seule la puissance
divine pouvait donner à Jésus-Christ la possibilité de redonner à
Lui-même la vie, après sa mort, et de ressusciter.
La Personne du Saint-Esprit est peut-être davantage mystérieuse encore.
En tant qu'Esprit, il n'a pas d'apparence précise, on ne sait "ni d'où
Il vient ni où Il va", dit le Seigneur (Jn 3:8), mais on "sent" sa
présence, Il est là pour animer, pour souffler la vie. Tant en hébreux
qu'en grec et en latin, le même mot désigne l'Esprit et le vent (le
souffle).
De cette troisième Personne de la sainte Trinité, répétons ce que nous
disons dans notre Credo :
Je crois en l'Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la Vie (...) ;
avec le Père et le Fils, Il reçoit même adoration et même gloire. Il a
parlé par les prophètes.
Ces expressions sont difficiles à comprendre, mais elles expriment
exactement ce que l'Eglise nous demande de croire. L'Esprit donne la
vie, de même que tout être est en vie tant qu'il respire ; l'Esprit
reçoit la même adoration et la même gloire que le Père et le Fils :
comme le Père et comme le Fils, Il est une Personne et Il est Dieu ;
l'Esprit a "inspiré" les prophètes : leur parole était vraiment inspirée
de Dieu. (inspirer = souffler à l'intérieur).
Dans la citation du Credo ci-dessus, on a volontairement passé une
petite expression sur laquelle on va revenir maintenant :
Il procède du Père et du Fils.
Ce qu'exprime cette petite phrase est peut-être ce qu'il y a de plus
mystérieux dans la Sainte Trinité. Si l'on a pu assez facilement dire
que le Fils était "engendré" du Père - c'est précisément le verbe
utilisé dans le psaume 109 : "C'est moi qui, aujourd'hui, t'ai engendré"
- l'Eglise a longtemps cherché un mot pour exprimer la manifestation de
l'Esprit ; on a dit que l'Esprit "procède" du Père et du Fils. Il ne
s'agit pas d'une procession "aux flambeaux", mais il faut prendre ce mot
au sens étymologique : pro-cedere, avancer. Le rapport du Père et du
Fils est tellement vivant et amoureux, qu'Ils émettent tous deux cet
Esprit de vie et d'amour.
Cette doctrine difficile a aussi donné lieu à des controverses. C'est
ainsi que les Orientaux se sont détachés de l'Eglise romaine, car ils
préféraient dire que l'Esprit ne procède que du Père "par le Fils". Ce
qui apparaît ici comme une subtilité fut historiquement la pomme de
discorde qui a provoqué le schisme d'Orient, du moins officiellement. En
réalité, l'Eglise d'Orient s'était déjà démarquée de Rome pour des
raisons de rivalité, de politique, remontant à la nouvelle capitale
impériale que fut Constantinople.
Il y eut beaucoup de tentatives pour une réunification des deux Eglises.
Au concile de Florence, le patriarche de Constantinople eut le temps
d'écrire sa soumission à la Sainte Eglise, peu avant de mourir, et les
Pères sanctionnèrent cette réconciliation1, mais une partie de l'Eglise
"orthodoxe" resta malheureusement dans le schisme, jusqu'à maintenant.
Ce ne furent pourtant pas les écrits importants des saints Docteurs,
tant orientaux qu'occidentauX, qui manquèrent : saint Basile, saint
Augustin, saint Hilaire, nous ont laissé des ouvrages magnifiques sur la
sainte Trinité. Encore récemment au début du XXe siècle, la bienheureuse
Elena Guerra2 eut d'importantes révélations sur l'Esprit Saint, à la
suite desquelles le pape Léon XIII écrivit à son tour une magnifique
encyclique3. Tout cela fera l'objet d'études dans un futur proche, sur
ce même Site.
L'impossibilité pour nous d'expliquer avec nos termes humains un Mystère
si sublime, ne doit pas nous empêcher de vénérer, d'adorer profondément
cette Trinité divine. La bienheureuse Elisabeth de la Trinité4 a laissé
une prière à la Trinité, très fameuse et très profonde, de même que
l'Ange à Fatima en enseigna une aux trois voyants. Elles se trouvent sur
le Site5.
Après cette longue présentation un peu plus doctrinale que d'habitude,
disons quelques mots sur les lecture de ce jour.
Du livre des Proverbes est tirée cette belle prosopopée où la Sagesse -
c'est-à-dire le Fils de Dieu, exprime son éternité. Ajoutons ce mot de
saint Athanase, concernant la présence de la Sagesse dans la création :
"Il est tout-à-fait juste que la Sagesse dise : Le Seigneur m'a créée en
vue de ses oeuvres. Bien entendu, (le Seigneur) n'est pas créé, lui qui
est Créateur, mais il dit cela comme pour lui-même, à cause de son image
créée qui se trouve dans ses oeuvres... Son empreinte et son image sont
imprimées dans ses oeuvres par la création... Le Seigneur a diffusé la
Sagesse sur toutes ses oeuvres, sur toute chair... Cette "diffusion" ne
caractérise nullement l'essence de la Sagesse qui existe en elle-même et
qui est son Fils unique, mais celle de la sagesse dont l'image est
imprimée dans le monde créé" (Contre les Ariens, 2, 78.79).
Le psaume 8 montre la majestueuse création que fut l'homme, "un peu
moindre qu'un dieu" - les textes grec et latin disent plutôt : "Tu l'as
établi à peine plus bas que les anges", l'expression "fils de l'homme"
pouvant très bien aussi s'appliquer au Christ incarné.
Le texte de l'épître aux Romains se comprend facilement, mais pourquoi
devons-nous être "orgueilleux" pour notre espérance à avoir part à la
gloire de Dieu. Jamais saint Paul n'a parlé là d'orgueil, qui reste un
grave péché, une grave offense à Dieu. La plupart de nos péchés dérivent
de notre orgueil. Ce serait tout autre chose de parler de "fierté" ;
aucune traduction classique ne parle ici d'orgueil ; partout il s'agit
de se "glorifier", d'être fiers, ce qui est bien autre chose que d'être
orgueilleux. On peut à juste titre être fiers de sa foi, d'avoir
prononcé un serment de fidélité, une promesse, sans pour autant aller
jusqu'à en être "orgueilleux". La fierté est une attitude noble,
l'orgueil est une grave déviance.
Le court évangile que nous lisons, enfin, montre très bien comment
l'Esprit "procède du Père par le Fils", pour reprendre la formule de la
théologie orientale.
Que cette solennité, qui suit la grandiose fête de Pentecôte où l'Esprit
se manifesta si fortement, nous incite désormais à invoquer humblement
les trois Personnes de la Trinité en leur accordant toujours "même
adoration et même gloire".
Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit.
Au Dieu qui est, qui était et qui vient,
dans les siècles des siècles.
Amen.
1 En 1439. Finalement on y reconnut
l'équivalence des deux expressions de la procession de l'Esprit Saint :
soit qu'il procède "du Père et du Fils" (expression romaine), soit qu'il
procède "du Père par le Fils" (expression orientale).
2 1835-1914, fondatrice des Soeurs Oblates du Saint Esprit, béatifiée en
1959, fête le 11 avril.
3 "Divinum Illud Munus" (9 mai 1897)
4 1880-1906, carmélite à Dijon, béatifiée en 1984, fête le 9 novembre.
5 Prières et dévotions à la Très Sainte Trinité. |