La théologie et l’histoire de la fête du Sacré-Cœur
La théologie et
l’histoire de la fête du Sacré-Cœur ont jalonné la pensée de
l’Église depuis les premiers siècles. Les considérations sur
la Plaie du côté du Christ, puis sur son Cœur, ont commencé
déjà chez les Pères de l’Église, ont été développées par
saint Bernard de Clairvaux au XIIe
siècle, puis reprises par tant et tant d’auteurs,
hommes et femmes, mystiques. Finalement, la fête fut étendue
à l’Église universelle en 1856, par le bienheureux Pie IX et
renouvelée en 1928 par Pie XI.
Quand nous sommes
invités à nous tourner vers le Cœur de Jésus, à Le prier,
l’Église veut en réalité nous attirer plus près de Celui que
représente ce Cœur blessé ; non pas pour nous orienter vers
une dévotion larmoyante, mais bien au contraire pour nous
faire contempler en ce Cœur tout le message christologique
de Jésus.
D’abord, ce Cœur nous
rappelle que Jésus a pris un corps humain semblable au
nôtre, qu’il a vécu avec un cœur de chair et que ce cœur de
chair a battu dans sa poitrine pendant trente-trois années,
au rythme de ses allées et venues, de ses miracles, de sa
Passion et de sa Mort. Le Cœur de Jésus contient d’abord
tout le mystère de l’Incarnation.
Ce Cœur blessé, comme
cela arrive à tout être humain, est l’organe qui
particulièrement reçoit les émotions joyeuses ou tristes de
la vie. Chez tout être, les battements du cœur augmentent ou
ralentissent en fonction de l’émotivité, de la sensibilité,
des réactions internes de la personne. Et l’on imagine
combien le Cœur de Jésus a battu très fort, pour l’Amour
avec lequel Il accomplissait chaque geste, chaque
bénédiction, chaque miracle ; et aussi pour l’Amour
compatissant avec lequel Il recevait les critiques, les
abandons, les insultes, durant toute sa vie publique et
particulièrement durant sa Passion douloureuse. Le Cœur de
Jésus exprime tout son amour pour les hommes, cet amour qui
L’a poussé à se livrer totalement pour nous racheter : il
contient donc aussi tout le mystère de la Rédemption.
Jésus nous a rappelé que son
Amour était l’Amour du Père : Comme
le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés
(Je 15:9). C’est dire que
l’Amour exprimé par le Cœur du Christ est aussi l’Amour du
Père pour nous, comme l’explique l’apôtre Jean dans sa
première Lettre ; Jean a si bien chanté cet Amour de Dieu
qu’il a été appelé le premier théologien du Sacré-Cœur :
L’Amour
de Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé
son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui
(1Jn 4:9). Le Cœur de Jésus
manifeste l’amour de Dieu-Père, et donc cette communauté
d’Amour qu’est la Sainte Trinité : il contient tout le
mystère de Dieu-Amour, Un et Trine.
On a rappelé, à
l’occasion de la récente Fête-Dieu, combien le sacrement de
l’Eucharistie était essentiellement la manifestation
actuelle de l’Amour de Jésus, qui nous laisse la présence
quotidienne de Son Corps et de Son Sang : le Cœur de Jésus
nous rappelle enfin l’Eucharistie, Sacrement d’Amour,
Sacrement central de la vie divine en nous.
On l’aura ainsi compris
: de l’Incarnation à la Nativité de Jésus, de l’Amour de
Dieu à celui de Jésus-Christ qui nous donnent l’Amour, la
Vie, et l’Éternité, le Cœur de Jésus est la récapitulation
de toute l’histoire du salut, de toute l’Œuvre rédemptrice
et sacramentelle de Jésus-Christ et de l’Église. En un mot,
cette solennité reprend et conclut simultanément toutes les
étapes fondamentales de notre salut, que nous célébrons
l’une après l’autre durant l’année liturgique.
*****
Lisons
maintenant les textes liturgiques qui nous parlent de cet
Amour.
Par la bouche
du prophète Ézéchiel, Dieu nous montre comment il veut être
pour nous le Bon Pasteur, qui connaît ses brebis une par une
et se soucie d’elles à chaque instant.
Quand il
dit qu’Il va les
délivrer
dans tous les endroits où elles ont été dispersées,
c’est pour montrer comment
Dieu veut nous délivrer du péché, de l’ignorance, de
l’aveuglement, du désespoir.
Quand il
dit qu’Il va les faire
sortir
des pays étrangers,
c’est pour dire que Dieu veut
nous éclairer sur la Vérité, nous faire sortir de l’erreur,
de l’hérésie.
Quand il
dit qu’Il veut mener ces brebis
sur la
montagne d’Israël,
c’est pour parler de l’Église universelle, une
et sainte, qui doit éclairer tous les hommes de toutes les
nations.
Quand il dit
qu’Il veut les faire paître, c’est pour annoncer
l’Eucharistie, le Corps et le Sang dont nous devons nous
rassasier.
Quand il dit
qu’Il soignera la brebis blessée, c’est pour annoncer la
Réconciliation, où nous sommes pardonnés de nos péchés. Et
aussi que, dans le Sacrement, c’est toujours Lui qui opère,
à travers le ministre ; cela, les prêtres et les diacres,
doivent toujours se le rappeler : ils ne sont que les canaux
de la grâce divine, et non les «propriétaires» des âmes.
Quand il
dit qu’Il fera paître la brebis grasse, c’est pour nous
rappeler que nous avons toujours besoin de l’aide divine
pour rester dans l’amitié de Dieu, et pour 4nous promettre
que nous n’en manquerons jamais, selon ce qu’Il répondra à
saint Paul :
Ma
grâce te suffit (2Co
12:9).
Le psaume 22,
un psaume «eucharistique» par excellence, chante encore ce
Berger. Il ne faut pas se contenter d’y lire des
descriptions bucoliques ; il faut y comprendre ce qu’il
signifie maintenant pour nous.
Dieu nous
mènera vers les
eaux
tranquilles,
c’est-à-dire loin des
tempêtes, loin du monde et de son agitation.
Après les ravins
de la mort, nous
avons l’assurance de la résurrection, à la suite du Christ
mort et ressuscité.
Cette table est
déjà maintenant la Table eucharistique, annonce du Festin
éternel où nous jouirons de la vision de Dieu.
Quel
bonheur d’habiter ainsi la
maison du Seigneur, quand
on voit quelle joie il y a déjà à habiter à l’ombre d’une
règle religieuse, dans le don total de soi à Dieu par les
saints liens des vœux d’obéissance, de pauvreté et de
chasteté, prélude à la vie éternelle où nous vivrons après
cette vie de combat.
Dans l’épître
aux Chrétiens de Rome — et nous devons tous nous sentir liés
à la Rome chrétienne par notre baptême —, saint Paul
développe l’idée fondamentale que la Foi en Christ est
valable pour tous les hommes, Juifs ou Païens. Le Christ est
mort pour tous les hommes, de tous pays, de toutes époques.
Imaginerions-nous un médecin qui accepterait de prendre sur
lui la maladie de son patient pour le guérir ? Or le Christ
a pris sur lui l’ignominie de notre péché, acceptant de
mourir comme le dernier des bandits, de sorte que cette
nature humaine qu’Il avait prise de nous était enfin
anéantie dans la mort, pour recevoir avec Lui la gloire de
la résurrection.
Non seulement
le Christ nous a retirés de la mort, mais il nous a
introduits dans la Vie. Pouvait-il nous aimer davantage ?
Il nous aima
davantage encore : Il nous a laissé son Corps et son Sang
dans l’Eucharistie, preuves de sa mort et de sa
résurrection.
Et si nous nous
savons encore pécheurs, nous pouvons compter sur le Pardon
divin, dans le sacrement de la Réconciliation.
Avant de
continuer, remarquons-le encore une fois :
malencontreusement, notre traduction française ose dire que nous
mettons notre orgueil en Dieu. Même
au sens figuré, cet orgueil est inacceptable. L’orgueil est
un vice, à l’origine de tous les péchés, et le Catéchisme le
rappelle (cf. Abrégé du Catéchisme de l’Église Catholique,
n.398). C’est tout-à-fait différent de dire que nous sommes fiers de
notre foi.
L’évangile
enfin, tiré de saint Luc, l’évangéliste de la Miséricorde,
nous montre encore la sollicitude du Pasteur, toujours
préoccupé de ramener au bercail de l’Église chaque brebis
égarée.
On pourrait
certainement se demander pourquoi au ciel on ne se
réjouirait pas des quatre-vingt-dix-neuf justes.
Qui
osera, a priori, se mettre dans les rangs des Justes ?
Qui n’a pas conscience de son imperfection au point de ne
pas même se rendre compte de ses péchés quotidiens ? Même
l’Écriture nous le rappelle : Le
Juste tombe sept fois, et se relève (Prov.
24:16).
Restons
humbles, faisons chaque soir notre examen de conscience,
pointons du doigt nos défaillances pour mieux nous en
corriger. Il faut sans cesse se relever. C’est
de ce combat patient que dépendra notre résurrection
intérieure et notre vraie joie. Là est la sainteté.
*****
En ce jour où nous chantons la
Miséricorde divine dans l’Amour du Cœur de Jésus, demandons
instamment à Dieu une grâce toujours plus
abondante (Prière
du jour). Invoquons ce Cœur à la miséricorde infinie :
Cœur Sacré de Jésus, j’ai confiance en Toi.
Abbé Charles
Marie de Roussy |