|
Dimanche de la Miséricorde
Avant tout
commentaire sur les textes, une explication s’impose à propos des
dimanches du temps de Pâques. Depuis les premiers temps de l’Église,
les cinquante jours qui séparent les deux fêtes de Pâques et de
Pentecôte constituaient “Le jour” de la Résurrection. C’est
pourquoi plusieurs évangiles relatent des faits du “premier jour de
la semaine”, du jour même de la Résurrection.
L’apparition de Jésus aux
Apôtres se situe “au soir du premier jour”, c’est-à-dire le dimanche, le
septième jour étant le sabbat (notre samedi). Le “premier jour” de la création,
Dieu avait créé la lumière ; le huitième jour est désormais le jour de la
nouvelle création, de la nouvelle lumière, du nouvel Homme ; c’est comme dans la
gamme musicale : après sept sons, le huitième reprend le premier, c’est
l’octave. De là vient aussi l’antique coutume de l’Église de célébrer l’Octave
d’une fête importante (Noël ou Pâques, actuellement) : pendant ces huit jours,
on célèbre la même fête avec le même office chaque jour, à peu de choses près.
Donc nos chers Apôtres sont
là (sauf Thomas). Au petit matin, Pierre et Jean étaient allés constater les
dires de Madeleine, mais ils sont bien vite revenus, et ils ont verrouillés les
portes “par crainte des Juifs”. O sublime bonté de Jésus en arrivant au
milieu d’eux : “Paix à vous” ! D’abord, les rassurer, leur donner la paix, même
en leur montrant ses cicatrices aux mains et au côté. Il est bien vivant,
ressuscité.
Mais Jésus ne s’arrête pas
là ; il continue de préparer les Apôtres à leur mission, en leur insufflant le
pouvoir de remettre les péchés. Voilà institué ce Sacrement de la Miséricorde,
du Pardon, qui n’aurait pas existé si Jésus ne s’était d’abord offert en Victime
d’expiation pour les péchés de tous les hommes. Maintenant vainqueur de la mort
et du péché, Il offre à tout être qui le Lui demandera, le pardon de ses péchés.
Ce dimanche est, depuis quelques années, le “dimanche de la Miséricorde”,
comme le demanda le Christ Lui-même à sainte Faustine Kowalska.
Saint Thomas, absent ce
jour-là, a-t-il été exclu de ce pouvoir ? En vérité, il a peut-être reçu encore
davantage, lorsque Jésus lui dit, le dimanche suivant : “Heureux ceux qui
croient sans avoir vu”, car ainsi Il lui a indiqué comment il pourra
conduire à la Vérité tous ceux à qui il annoncera le Royaume. On sait que Thomas
évangélisera l’Inde, et l’Extrême-Orient, jusqu’en Mandchourie, puisque les
missionnaires du XIVe siècle retrouveront là des récits ou des croyances
héritées de cette première évangélisation.
La résurrection du Christ a
maintenant provoqué un changement radical dans le comportement des Apôtres et
des premiers Chrétiens : ils ne se cachent plus, ils n’ont plus peur. Dans les
Actes des Apôtres, saint Luc nous décrit le genre de vie de cette communauté,
pleine de joie et de sentiments fraternels : on met tout en commun, on prie, on
loue Dieu, on va au Temple. Quelle simplicité ! Quel amour ! Quel empressement !
En ce deuxième dimanche de Pâques, les nouveaux baptisés portaient partout leur
bel habit blanc, d’où le nom de dimanche “in albis” (et aussi “de
Quasimodo”, car le chant d’entrée commence par ce mot latin).
Nous pouvons bien nous
associer à cette joie avec le psaume 117 qui nous est proposé aujourd’hui, comme
dimanche dernier, mais de façon plus complète. “Rendez
grâce au Seigneur — On m’a poussé, bousculé, mais le Seigneur m’a défendu — La
pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue pierre d’angle — Voici le jour que
fit le Seigneur”
Saint Pierre exprime aussi
cette joie immense dans son épître, peu de temps avant son martyre à Rome (64 ou
67). Il sait qu’il sera “attristé par toutes sortes d’épreuves”, lui
comme ceux à qui il s’adresse, mais il rappelle que notre foi totale en Jésus
ressuscité vaut beaucoup plus que l’or, et nous conduira au salut.
Le “Jour du Seigneur”,
le dimanche, doit être pour nous tous une occasion de joie, de témoignage de
foi, de “résurrection” personnelle. Comme les premiers Chrétiens,
retrouvons-nous au Lieu saint, autour de la Sainte Table, prions et chantons,
mettons en commun notre joie, nos possibilités, nos dons, notre temps…
Un dernier petit mot, à tous
ceux qui disent “être comme saint Thomas”, voulant d’abord voir avant de
croire. Oui, vous pouvez faire comme lui : vous êtes autorisés à douter pendant
huit jours (huit jours seulement) ; ensuite vous irez évangéliser les
incroyants, vous irez affronter tous les dangers humains, vous supporterez
toutes les fatigues et les soucis des voyages difficiles, pourvu que la Bonne
Nouvelle se diffuse. Et pour donner plus de force à vos paroles, vous
encouragerez vos auditeurs : “Heureux ceux qui croient sans avoir vu”. Et
vous accepterez, si Dieu le veut, de donner votre vie et de verser votre sang
pour témoigner de la Résurrection du Christ. Alors, oui, vous serez “comme
saint Thomas”. Saint Thomas est heureux non pas d’avoir douté, mais d’avoir
cru.
Le Jour du Seigneur, c’est le
Jour de la Foi. Thomas voit l’Homme ressuscité, et confesse le Dieu éternel :
“Mon Seigneur et mon Dieu”.
Abbé Charles Marie de Roussy
|