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“Resurrexit,
sicut dixit” – Il est ressuscité, comme il l’a dit.
La résurrection du Christ peut se
vivre à plusieurs niveaux, celui simplement historique, celui plus théologique
et spirituel.
L’événement historique de la
résurrection est surtout le fait de l’Évangile du jour et de la première
lecture, tirée des Actes de Apôtres. L’Évangéliste Jean raconte les faits qu’il
a vécus lui-même : il a entendu Marie-Madeleine, tout essoufflée, venir lui dire
ainsi qu'à Pierre qu’“on a enlevé le Seigneur”.
Jean raconte donc comment il arrive
le premier au sépulcre — il est encore jeune, lui ! — et, reconnaît-il, après y
être entré à la suite de Pierre, “il vit et il crut”. Aurait-il douté de la
résurrection, comme Thomas ? Pas forcément, mais il ne faisait pas encore le
lien entre la Passion et cette Résurrection ; dès qu’il voit ce tombeau vide,
tout s’éclaire pour lui.
Que virent donc Pierre et Jean ?
Jésus n’est pas là. Si on l’avait emporté, subrepticement, ç’aurait été en hâte,
on n’aurait pas pris le temps de retirer les bandelettes, le linceul, tous les
linges qui enveloppaient le Corps du Seigneur. Ou même si on L’avait “volé”, à
la hâte, profitant du sommeil des gardes, on n’aurait pas pris le temps de
rouler proprement ce linge, à part, à côté du linceul. Non : les apôtres se
rendent compte que le Seigneur a laissé là son linceul, comme un être humain
quitterait son drap en sortant du sommeil ; ou aussi comme un bon soldat qui
range ses affaires "au carré". Jésus, donc, est bien vivant, “sicut dixit” : “le
troisième jour, il ressuscitera”, leur avait-Il prédit à l’annonce de sa Passion
(Mt 16:21 ; 17:22 ; 20:19). Lors de sa Transfiguration, Jésus avait montré sa
prochaine gloire de Ressuscité à Pierre, Jacques et Jean : dans l’Evangile,
Jacques “disparaît”, jusqu’à la mention de son martyre dans Ac 12:2. Pierre et
Jean sont les premiers apôtres à constater la Résurrection, et Jésus apparaîtra
aux autres au soir même de ce dimanche (et à Thomas le dimanche suivant).
Le linceul et le suaire, bien
rangés, sont une première “preuve” de la résurrection. Une autre preuve sera
désormais la détermination des apôtres, de Pierre en premier, à annoncer le
Christ. En effet, s’ils avaient pris peur et avaient fui au moment de
l’arrestation de Jésus à Gethsémani, a fortiori ils n’auraient pas davantage eu
le courage d’en parler après la mort et la “disparition” de Jésus. Au contraire,
convaincus désormais et certains de la puissance du Christ ressuscité, ils
parlent ouvertement, comme on le constate dans les discours successifs de
Pierre ; celui d’aujourd’hui a lieu chez le centurion Corneille, donc en
présence de Romains, une dizaine d’années après la Résurrection. De plus, ces
apôtres sont aussi conscients de leur devoir de Vérité, de proclamer Celle-ci
jusqu'au bout du monde, comme des "pains sans levain de vérité", selon
l'expression de saint Paul aux Corinthiens.
Car si ces faits historiques nous
aident assurément à croire à l’historicité de la Résurrection — et à nous en
réjouir, nous devons maintenant “vivre” profondément cette Résurrection. Saint
Paul nous explique comment, autant dans l’extrait aux Colossiens que dans celui
aux Corinthiens — suivant le choix qu’en fera le célébrant : en mourant, Christ
a immobilisé sur la Croix ce Corps qu’Il prit de nous ; en ressuscitant, il a
conféré à ce même Corps une splendeur céleste, une vie nouvelle. Ce corps est le
même, mais transfiguré, mais glorieux. Désormais notre humanité a reçu de Christ
cette Vie qui doit transformer toute notre condition, et cela jusque dans les
moindres détails de notre quotidien.
Comme les apôtres ont désormais
témoigné avec force devant les hommes, sans craindre les difficultés, les
souffrances et la mort, nous aussi nous devons continuer désormais notre route
avec dans le cœur cette joie irremplaçable de la Résurrection de Jésus-Christ,
avec Lequel et en Lequel nous aussi nous vivons.
Certes, nous continuons de
travailler, de voyager, de peiner, de manger et de dormir, comme tous les
hommes ; certes, nous ne sommes pas au Ciel avec les Anges et les Saints ; mais
la certitude de la Résurrection donne à tous nos événements quotidiens une
saveur de Nouveau. C’est comme lorsque, par exemple, une maman met au monde son
enfant : avant comme après, elle doit faire son ménage et ses courses, mais
comme elle est heureuse de savoir qu’une vie nouvelle est apparue ! Dans sa
maison tout prend désormais une couleur nouvelle.
Notre psaume 117 illustre cette
joie : Rendez grâce au Seigneur ! Je ne mourrai pas ! Et c’est là aussi que nous
trouvons ce verset que Jésus citait à ses contradicteurs : La pierre qu’ont
rejetée les bâtisseurs, est devenue pierre d’angle (Mt 21:42). Si vous entendez
la mélodie grégorienne du Chant d’entrée, qui reprend le psaume 138, vous serez
surpris de n’y relever aucun accent de “victoire”, vif ou glorieux ; c’est au
contraire un chant d'une intense gravité, tout discret, méditatif, splendide
allusion à la Pierre d'angle : invitation à recevoir très intimement la
Résurrection, à la vivre dans une conversion profonde et profondément joyeuse.
Alleluia !
Abbé Charles Marie de Roussy
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