15 février 1945
Je ne crois pas, ni dans mes
souffrances, ni même dans ce que je dis ou ce que je fais : tout
me semble mensonge, une complète tromperie. Je sens qu’il en est
ainsi, mais par la grâce de Dieu je ne trouve rien en moi qui
puisse s’appeler tromperie. Ce que je souffre est pour Jésus et
pour les âmes, ce que je fais, je le fais les yeux fixés en Lui
et par amour pour Lui. Quelqu’un me juge de la façon dont je
viens de parler, voilà pourquoi je souffre encore davantage. Que
serait-il de moi si Jésus ne venait pas et n’était au courant de
tout ! Ce que je veux c’est Lui plaire à Lui et le consoler par
cette pénible vie, qui n’est pas une vie, ou, si elle l’est, ne
m’appartient pas. Tout passe, tout s’éloigne de moi, tout passe,
tout m’est volé, et moi je reste toujours là, sans que mon ciel
n’arrive. Pour ne pas manquer à ma parole envers Jésus, je ne
Lui demande pas. Mais quelle nostalgie et quelles souffrances,
le plus clair du temps me paraissant insupportables !

C’est au milieu de la douleur que mon
cœur perd, petit à petit, la vie : il ne peut pas résister. Je
ne sais pas expliquer mon tourment. Il est évident que Jésus
souffre en moi, mais malgré cela la douleur prend le dessus et
je tombe dans la détresse. Je sens que la mort chemine vers moi,
la mort que je désire tant, la mort que je veux appeler vie, la
mort qui me mène à la jouissance de Jésus et de la Petite-Maman.
Je quitte alors mes tristesses, mes
douleurs et mes amertumes, et je m’en vais prier pour tous ceux
que j’aime, je vais prier pour le monde entier. Je ne vais pas
oublier ceux qui sont la cause de tant de souffrances pour moi :
je vais prier pour eux, je veux que Jésus leur donne de l’amour,
je veux qu’Il leur donne le ciel.
Je sens être le monde, un monde fait
de la roche la plus dure et la plus compacte et je sens que suis
dans ce rocher. Il me faut transformer ce rocher de pierre dure,
le transformer en pièces précieuses, en or fin.
Quel effort que le mien à l’intérieur
de ce rocher, sans pouvoir m’y mouvoir ! Il me faut pourtant le
bouger, le défaire, il faut que je le transforme dans un monde
beau, agréable à Jésus, qui plaise à tout le ciel.
— Jésus, voyez cette petite folle,
regardez le martyre qui la consume ! Que dois-je faire pour le
monde, comment dois-je le transformer ? De quelle façon
pourrai-je consoler et procurer de la joie à Votre divin Cœur ?
L’action du divin Esprit Saint m’a
manquée ; je sens ne pas bénéficier de Ses lumières. Je suis une
pauvrette qui n’a rien et ne pourra jamais avoir quoi que ce
soit.
Que sera-t-il de moi, mon Jésus ! Je
ne peux pas vivre sans Vous, sans Vous je ne peux rien souffrir.
J’ai offert à Jésus une nouvelle
attaque du démon pour venir en aide aux âmes qu’Il confiées. Les
plus violentes sont pour elles, les autres pour qui Jésus
voudra.
Que de choses laides me dit le maudit
des personnes, pour m’apprendre à pécher, et de Jésus,
L’accusant de grands crimes !
Quelle horreur ! Quelle horreur !
C’est ce qui me coûte le plus : l’entendre dire ces choses
contre Jésus.
Pendant certaines attaques je sens
que je suis moi-même l’enfer avec toutes les souffrances et
horreurs et que moi-même je suis le démon avec toutes les ruses
et toute la malice.
Je ne sais pas mieux m’expliquer, ce
que je sais c’est qu’à certains moments je suis un vrai enfer,
un vrai démon.
Il m’est apparu sous les traits d’un
homme très laid, habillé comme un chasseur, l’arme à l’épaule,
se promenant devant moi. À côté, il y en avait beaucoup d’autres
sous la forme de squelettes, leurs armes pointées sur moi. Ils
m’ont causé une vive impression, mais je n’ai pas eu peur. Ils
ne pouvaient pas me tuer.
Je crains davantage qu’ils me tuent
l’âme à cause de ce qu’ils font et disent. Ô combien je crains
d’offenser mon Jésus !
Je préfère ne pas penser que c’est
jeudi aujourd’hui. Que de tristes souffrances m’apportent ces
jours!
Pendant l’après-midi, je me sentais
marcher dans différentes rues. Je suivais mon chemin et j’étais
raillée par tous ceux qui me voyaient. J’étais montrée du doigt
et accusée de toutes sortes de crimes, comme la plus infâme
criminelle. Peu après la tombée de la nuit, je me suis sentie
dans une réunion d’amis, mais dans cette amitié je sentais un
traitre, qui peu après devait m’embrasser ; j’ai senti la
douleur que ce baiser allait me causer. J’ai senti que j’étais
Jésus et que sur Sa poitrine s’est incliné un visage que
j’aimais beaucoup. Mon cœur s’est attendri d’amour envers ce
visage.
Quelle conversation remplie de tant
de mystères, de tant de grandeur ! J’ai senti que dans cette
réunion j’ai lavé les pieds de tous ceux qui m’entouraient. En
moi était l’eau, la serviette et le bac. J’ai senti que l’un
d’eux, à qui cela causait grande impression que je lui lave les
pieds, à un regard et peu de mots était ensuite prêt à se
déshabiller afin que tout son corps soit lavé. Ah ! Si seulement
je pouvais mieux expliquer ici tout l’amour, toute la bonté et
tendresse de Jésus… que de bien cela ferait aux âmes ! Mais je
ne sais pas mieux faire.
Faites-le vous-même, mon Jésus. |