CHAPITRE XIX
Quelque temps avant qu’elle ne meure, Jésus dit à
Alexandrina :
— Tu n’as plus une vie à toi ; la vie qui te fait
vivre c’est la mienne.
Avant Il lui avait dit :
— Vis, Ma fille, vis Ma vie divine. Tu es sur la
terre, mais tu n’appartiens plus à la terre.
Alexandrina languissait d’amour dans cette attente et
disait vouloir « vivre uniquement dans l’Infini ».
— Veux-tu voir comment je t’embrase ? — lui disait
Jésus. Et, faisant irruption en elle Il l’avertissait :
— Feu, feu, feu de Jésus ! Pureté et candeur ! Feu,
feu, feu de Jésus et rosée qui féconde, manne divine ! Jésus veut se reposer
dans les cœurs purs ! Jésus veut reposer dans les âmes vierges.
Jésus appelait Alexandrina « palais, tabernacle,
paradis de la Divine Trinité ». Le 22 juillet 1955, durant la période
des pires ténèbres et des tentations les plus décourageantes, Jésus lui
révéla :
—
Depuis ton baptême tu possèdes en toi ce Ciel Divin,même si tu ne t’en rends pas compte.
Au Père Umberto Alexandrina confiait :
« Je me rassasie complètement dans la
récitation des Gloria Patri. Je ne peux pas trop me concentrer dans cette
pensée, car je n’en verrais pas plus ; mon cœur ne le supporterait pas. »
Ensuite, utilisant un langage poétique et riche en images
elle décrit le mystérieux travail de l’Esprit Saint dans le chantier de son
âme :
« Je sens le Saint Esprit sur son trône, sur le
trône de mon cœur, entre le Père et le Fils ; au-dessus de ceux-ci, Il bat
de ses ailes blanches, presque en me frôlant, comme pour me dire que les
Trois sont présents. Il m’irradie de son amour, Il m’envoie des éclairs et
des lueurs du feu divin... Oh ! si seulement toutes les âmes connaissaient
et expérimentaient en elles la présence du Père, du Fils et du Saint
Esprit. »
Quand le démon la tourmentait, Alexandrina rentrait en
elle-même, le plus intimement possible, et là elle embrassait le Père, le
Fils et le Saint Esprit, « le plus trésor que je possède ».
Voici un autre coup de pinceau bien coloré :
« Le Saint Esprit bat de ses ailes à l’endroit
le plus profond et caché de mon âme. Il fait pour moi comme les oiseaux avec
leurs passereaux déplumés dans leur nid. Avec son bec de feu divin, Il
alimente mon cœur et tout mon être. Je me sens renaître. De cette façon je
peux aimer et servir mon Jésus ».
À une occasion, elle dicta cette description enflammée :
« À la veille de la Pentecôte, fête de la
Pentecôte, fête du Saint Esprit, je sentais tournoyer autour de moi une
Colombe blanche et avec un bruissement d’ailes se poser sur ma tête ; à mes
oreilles j’ai entendu un froufrouter, comme si elles étaient beaucoup à
fendre l’air. Je dis Colombe blanche, non parce que les yeux de mon corps
l’aient vue, mais parce que je l’ai vue plusieurs fois des yeux de mon âme.
Le jour de la Pentecôte, la Colombe s’est posée sur
moi, me tournoya autour et m’a fait penser aux hirondelles laborieuses qui
construisent leur nid. Elle construisait, embellissait, perfectionnait. Je
ne sentais aucune vie ; je me sentais morte. De temps en temps cette Colombe
picorait mes lèvres ou enfonçait son bec dans mon cœur comme si elle voulait
m’alimenter. Quand elle faisait cela, je sentais que ceci me donnait vie...
Depuis quelques jours Elle reste ici dans mon nid ; Elle ne vole pas, Elle
ne l’abandonne pas ; Elle paraît se reposer, la tête cachée sur ses ailes.
De temps à autre Elle signale sa présence, en bougeant ses pattes et en
étirant ses ailes blanches, tout en laissant à découvert le nid de mon cœur.
Elle fait cela avec une extrême douceur et amour. On dirait qu’elle est
emprisonnée et enchaînée à mon nid. »
Alexandrina, plus d’une fois, s’aperçût que Jésus lui
enlevait le cœur et le pétrissait avec le sien :
« Jésus faisait de mon cœur et du sien une même
chose, une unique masse... Ce n’était plus mon cœur ni le sien : c’est deux
cœurs en un seul. »
Jésus, en lui apparaissant en mars 1945 lui dit :
— Je veux, Ma fille, dilater ton cœur ; Je veux qu’il
devienne grand, grand comme l’humanité, grand comme Mon divin Amour.
Dans une lettre adressée au Père Umberto, Alexandrina
écrivit :
« J’ai aperçu plusieurs fois, à l’intérieur de
moi, Jésus travaillant et retouchant mon corps avec une extrême délicatesse.
Quelques fois Il se comportait comme un peintre, mais avec quel art, avec
quelle perfection ! Il dessinait en moi son autoportrait ; je devenais toute
Lui. Jésus était l’imprimeur ; avec mon corps Il en modelait un autre qui se
fondait en un seul.»
Et Jésus lui expliquait :
— Voici : même caché J’habite en toi. Regarde : le
Ciel descend en toi...
« — Que c’est beau ! — s’exclama
Alexandrina au comble de sa joie. Cela vaut la peine, mon Jésus, de tout
endurer pour posséder le Ciel. »
À l’automne 1944, un prêtre, ayant terminé un entretien
avec Alexandrina, se leva
pour la bénir et lui présenta sa main à baiser,
comme cela se faisait au Portugal.
Au moment où il retirait sa main, et alors qu’il
adressait à Alexandrina une parole d’encourage-ment, subitement, il ne vit
plus le visage de la malade sur l’oreiller blanc, mais le visage douloureux
de Jésus.
« Non, ce ne fut pas une impression illusoire —
raconta par la suite ce prêtre — ce fut une vision qui dura quelques
minutes. »
Il resta foudroyé ; il eut comme un nœud à la gorge et un
déchirement au cœur.
Puis il retrouva le doux sourire d’Alexandrina. Mais le
prêtre partit bouleversé.
Aussitôt qu’il se retrouva tout seul, comme Pierre il
pleura amèrement ses propres péchés.
Le regard de Jésus ! On aurait dit qu’il lui avait
déchiré l’âme, comme à Pierre.
« Depuis quelques jours — racontait
Alexandrina — je sens dans mes yeux un regard qui ne m’appartient pas.
C’est un regard tendre : il a de la douceur, de l’enchantement, de l’amour.
Ce regard a des liens spirituels, il pénètre tout, il donne lumière : c’est
comme un miroir qui reflet toute chose ; rien ne peut lui être caché. »
Alexandrina subit une transformation totale. Elle en
parle confuse et étonnée dans les pages de son journal. En voici ce quelques
bribes :
« Le sourire de mes lèvres n’est plus le mien ».
Jésus lui expliqua :
— Le Christ est dans ton corps ; Il est dans tes
regards et dans tes sourires.
Et, avec une suave tendresse :
— Tu es la coquille et Moi Je suis l’eau qui y coule,
l’eau qui lave et purifie.
« Pendant que Jésus disait ceci — raconte
Alexandrina — il me semblait qu’il tirait le sang de ses veines et le
faisait passer dans les miennes ; tout mon être devenait un autre. Je
sentais en moi un sang qui ne m’appartenait pas, battre un cœur qui n’était
pas le mien. »
Jésus lui confiait :
— Quand tes lèvres bougent pour parler, c’est Moi qui
les bouge et qui parle en toi...
Tu es riche de Moi, c’est pour cela que tes regards
attirent ; ils ont de l’attraction, de la douceur, de la fascination, de
l’amour...
C’est pour cela que ton sourire a la finesse du Ciel.
Ce n’est pas toi qui vis, c’est Moi ; les merveilles
que J’accomplis en toi sont des moyens de salut et d’appel pour les âmes.
Le 14 janvier 1967, lors du discours officiel d’ouverture
du procès sur les vertus de la servante de Dieu, Monseigneur Horácio de
Araujo affirma :
« J’ai connu Alexandrina, par la rumeur, en 1933. J’en
ai entendu parler plus tard. J’avoue qu’au départ je me suis montré
indifférent, me disant : c’est l’œuvre de Dieu ou simplement humaine ? Si
c’est l’œuvre de Dieu, Lui-même la complétera ; si c’est œuvre humaine,
plutôt ou plus tard elle s’évanouira comme tout ce qui est humain.
Les années passèrent et les phénomènes mystiques se
répétèrent et la renommée de sainteté arriva d’un bout à l’autre du pays...
C’est alors que j’ai connu Alexandrina, le Seigneur en soit béni ! Mes
visites se répétèrent, mais, malheureusement pas autant que je l’aurais
désiré, pour cause de charges paroissiales. Je peux et je dois dire
toutefois que je sortais de cette chambre davantage prêtre et avec un plus
grand zèle pour les âmes. Chez elle on ne parlait que de Dieu et des choses
qui conduisent à Lui. Un jour, pendant près d’une demi-heure, elle me parla
de la Sainte Trinité, de la vie intime avec Dieu et de la grâce
sanctifiante. Je ne saurais dire si j’ai admiré d’avantage la sublimité de
la pensée ou la clarté du langage... Elle n’avait aucune culture, néanmoins
elle en parlait comme le plus habile théologien et comme personne elle
apporte des arguments très élevés et sublimes...
Une fois je m’y suis trouvé en compagnie de cinq
prêtres du diocèse de Porto. Alexandrina entra en extase.
A la fin de celle-ci, en nous fixant avec insistance, elle nous parla
du sacerdoce et de la nécessité de prêtres saints. Je dois dire que jamais
personne ne m’en parla comme elle.
L’un de ceux qui étaient présents se tourna vers moi
et me demanda : “Que pensez-vous de tout cela ?” Je lui répondis : “J’ai
davantage aimé la conversation après l’extase. Personne ne parle de la sorte
sur la sainteté du sacerdoce... Je pense que l’Esprit Saint parle par la
bouche d’Alexandrina”. Les collègues furent d’accord.
Et moi, qu’est-ce que j’en pense ?
Que Alexandrina vivait en continuelle intimité avec
Dieu... Elle était une présence irradiante du Christ vivant. Le Christ
transparaissait en elle comme le soleil a travers le cristal. Combien ont
retrouvé le Christ dans cette petite chambre ! Combien en sortaient en
pleurant leurs péchés. »
* * *
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