CHAPITRE X
La phrase de sœur Lucie, dans sa lettre reproduite
ci-dessus est très significative. En vérité, la voyante de Fatima avait, au
moins deux fois, communiqué à Pie XII la demande de Notre-Dame ; mais elle
ne fut pas écoutée.
L'évêque de Gurza — Mgr Manuel Ferreira da Silva,qui était son confesseur — avait, avec tous les autres
évêques, signé la demande de consécration du monde, envoyée en 1938, à Pie
XII, selon la demande faite par Jésus à Alexandrina.
Ayant appris par l'évêque de Macao, résident à Rome, que
Pie XII, après les informations fournies par le chanoine Vilar au
Saint-Office, était décidé à faire la consécration du monde au Cœur de
Marie, Mgr Ferreira conseilla à Lucie de formuler ainsi sa demande, comme
celle-ci le confirma au Père Umberto.
Ainsi, le Saint-Père Pie XII, inséra dans l'acte de
consécration cette mention explicite de la Russie :
« Étend ta protection... aux peuples séparés par
l'erreur et par la discorde, spécialement ces qui professent envers
toi une particulière dévotion, si bien que dans toutes leurs maisons, ton
icône est exposée. Donne-leur la paix et reconduis-les à l'unique
bergerie du Christ, à l'unique et vrai Berger. »
Il y avait, en effet, une réelle convergence entre les
deux demandes, celle de sœur Lucie et celle d'Alexandrina ; par contre elles
étaient différentes en ce qu'elles avaient de spécifique.
À Pie XII il intéressait de répondre à la demande du
Ciel, faite par l'intermédiaire de sœur Lucie. Et cette demande il devait la
faire connaître progressivement afin d'obtenir l'éloignement des menaces de
guerre apocalyptique que la Russie, avec son athéisme militant et sa
dynamique, faisait peser sur le monde, guerre d'extermination causée par
l'accumulation des péchés de l'humanité.
C'est pour cela que, le 7 juillet 1952, jour des saints
Cyrille et Méthode, Pie XII, par une Lettre Apostolique adressée à tous les
États de l'Union Soviétique, consacra tous ces États au Cœur Immaculé de
Marie. Il ne put, toutefois, associer à son acte tous les évêques du monde,
comme l'avait demandé Notre Dame. La persécution religieuse, programmée par
l'athéisme marxiste-léniniste, s'embrasa comme un incendie le 17 octobre
1917, cinq jours après la dernière apparition de Notre Dame à Fatima.
Le Seigneur réserva à Jean-Paul II le privilège de
réaliser sa volonté. Sollicité par de nombreux fidèles et par des évêques de
divers continents, le Pontife voulût aller aux sources même, afin de
connaître l'interprétation qui en faisait sœur Lucie, la voyante de Fatima.
En avril 1982, peu de temps avant son pèlerinage à Fatima
afin de remercier la Sainte Vierge de l'avoir sauvé lors de l'attentat du 13
mai 1981, place Saint-Pierre, il chargea le Nonce Apostolique à Lisbonne et
l'évêque de Fatima d'interroger sœur Lucie. A la suite d'un long colloque au
Carmel de Coimbra, l'évêque porta à Rome la relation écrite afin d'en
informer le Saint-Père, programmer son pèlerinage au Portugal et lui
présenter le désire, ainsi que le besoin de la voyante de lui parler
personnellement.
Le désir de la voyante fut satisfait. Elle en parla dans
une lettre adressée à son neveu, salésien, Dom José Valinho, en ces termes :
« Je reprends aujourd'hui de répondre à la nombreuse
correspondance, après l'interruption du 7 de ce mois, due à mon départ pour
Fatima. J'ai pris avec moi la machine à écrire et les feuilles, ainsi que
les adresses de ceux à qui je voulais répondre de là-bas. Mais je n'ai même
pas réussis à la sortir de sa boite, malgré le fait que je sois restée
jusqu'au 19 en attendant que les pèlerins soient partis, ainsi que les
journalistes, lesquels ne semblent pas avoir d'autres choses à faire.
Toutefois, avec ce retard, grâce à Dieu, j'ai pus retourner sans être vue et
j'ai fait un excellent voyage... »
Du Carmel de Cova da Iria, duquel elle fut l'hôte avec sa
Supérieure et sa nièce Inès da Eucaristia,Lucie fut ramenée en ambulance — afin de n'être vue de
personne — à la Maison des Exercices, pour l'audience avec le Saint-Père. Le
colloque dura 25 minutes. Nous ignorons les sujets qui y furent abordés. Ils
s'échangèrent des cadeaux. La voyante envoya au Père Umberto le Rosaire que
lui avait offert sa Sainteté,accompagné de la lettre suivante :
« Le 13 mai fut pour moi un jour merveilleux, tout
particulièrement la rencontre avec le Saint-Père ; encore une très grande
grâce de la Maman du Ciel. Que Dieu soit béni par son immense miséricorde !
Vous avez probablement assisté à toute la cérémonie à travers la télévision
et il n'est donc pas nécessaire d'en dire davantage. »
Le Père Umberto avait écrit à sœur Lucie pour lui
souhaiter que la demande de la Vierge soit accomplie, et qu'ainsi,
l'amertume qui l'angoissait depuis 1929 — quand Notre-Dame lui annonça que
l'heure était venue de demander au Pape la consécration de la Russie, en
union avec tous les évêques du monde — soit adouci. Ce fut lors de cette
vision que sœur Lucie vît jaillir du Christ crucifié les paroles “Grâce
et Miséricorde” ; celles-ci coulaient sur la terre comme une eau
cristalline. Les paroles mêmes qu'elle écrivit au Père Umberto.
Jean-Paul
II, juste après son élection, commença la récitation du Rosaire à travers la
radio vaticane, tous les premiers samedis de chaque mois, comme Notre-Dame
l'avait demandé à Pontevedra en 1925.
Lorsque, le 13 mai 1981 il échappa à la mort, lors de
l'attentat place Saint-Pierre, il promit, comme lui-même le révéla, de venir
à Fatima, témoigner de son immense gratitude envers Marie.
Vers la fin avril 1982, Jean-Paul II, après avoir lu les
rapports du Nonce apostolique et de l'évêque de Fatima, se décida à écrire à
tous les évêques du monde — en y joignant une photocopie de « L'Osservatore
Romano », avec la Lettre Apostolique de Pie XII du 7 juillet 1952 à tous
les états de la Russie — afin que tous s'unissent à lui, lors de son
pèlerinage au Portugal.
Dans son discours du 13 mai 1982, à la Cova de Iria, il
se présenta “comme successeur de Pierre uni à tout le Collège apostolique”.
Dans l'acte de consécration à Notre-Dame il la pria en
ces termes : “Libère-nous de ceux qui nient la vérité divine diffusant
dans le monde l'athéisme.”
L'allusion au marxisme est évidente, même si celui-ci
n'est pas explicitement nommé, à fin de ne pas soulever des polémiques ni
faire courir le risque de persécution aux chrétiens de nombreuses nations
régies par la fausse idéologie du communisme.
* * *
1) Ce fut la sœur de cet évêque qui envoya à
Alexandrina la somme nécessaires pour lever l’hypothèque de la maison de
celle-ci.
2) Consécration du 31 octobre 1942.
3) Lettre du 28 mai 1982.
4) Agnès de l'Eucharistie. (prononcez Inéch).
5) Celui-ci en fit cadeau au Centre de
Documentation Mariale de la Basilique de Marie Auxiliatrice de Turin.
6) Lettre du 3 mai 1982.
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